Les applications développées en Afrique, notamment celles « Made in Togo », peinent à trouver leur place sur le marché. Elles ont du mal sur le marché national, en Afrique ou à l’international. Les utilisateurs africains se tournent souvent vers des applications créées en Occident. Ils laissent de côté les outils développés localement. Mais pourquoi en est-il ainsi ? Quels sont les obstacles qui freinent l’adoption de ces produits et quelles en sont les conséquences économiques ?
Un problème de confiance et de perception
Pour Sonia Lakignan, développeuse d’applications, la méfiance envers les produits locaux est un facteur majeur de cette situation. « Il y a beaucoup de frustrations. Je pense que certains sont réticents et se disent : ‘Comme c’est une application togolaise, on se demande si ça fonctionne.’ », explique-t-elle.
Cette réticence empêche les utilisateurs d’essayer des produits locaux. Cela laisse les développeurs dans une situation frustrante.
Thomas Bocco, un autre développeur, partage ce sentiment. Selon lui, la comparaison défavorable entre les applications locales et celles issues de l’Occident nuit à leur adoption.
« Oui, il y a de la frustration, mais c’est légitime, parce que c’est un problème de confiance. Et moi, je pense qu’ils se disent : ‘Qu’est-ce que l’application « Made in Togo » offre de plus que l’application WhatsApp des États-Unis ? »
Un écosystème de consommation faible
Seti Afanou, entrepreneur et consultant en ingénierie logicielle, identifie un autre problème : l’absence d’un écosystème de consommation structuré pour soutenir ces produits.
Il explique que « s’il n’y a pas vraiment un écosystème de consommateurs qui sont assez outillés, qui ont la culture de l’utilisation de ces produits, cela fera que vous allez développer des solutions qui ne seront pas vraiment exploitées. »
Le manque de familiarité avec les outils technologiques locaux empêche leur adoption et leur diffusion. Urbain Amoussou souligne également le manque d’adoptants précoces pour promouvoir les produits africains.
« Pour toute chose, il y a un élément de ‘early adopters’, des gens qui l’adoptent en premier et qui disent aux autres : ‘C’est bon, il faut y aller, etc.’ » soutient-il avant d’ajouter : « C’est le premier problème, on n’a pas des gens aussi passionnés qui imposent certaines technologies localement. »
Un manque de marketing et de communication
Les produits africains souffrent souvent d’un manque de stratégies de marketing et de communication efficaces. Pour Mawuli Affognon, spécialiste du numérique, le problème réside aussi dans la promotion.
« Une application comme WhatsApp, une application de Google par exemple, sont plus positionnées et sont supportées. Tout est fait pour qu’on puisse utiliser ces outils en dehors des États-Unis. Qu’est-ce que nous faisons pour utiliser nos outils chez nous et être capable de pouvoir les adopter vraiment ? » se demande-t-il.
Sonia Lakignan ajoute que le manque de visibilité nuit à l’adoption des applications développées localement. « Est-ce que ces applications sont connues du public ? S’il n’y a pas la communication qui suit, on ne peut pas utiliser le produit », selon elle.
Seti Afanou appuie cette idée en soulignant l’importance du marketing pour garantir l’adoption des outils : « Si vous déployez un produit, bien que le produit soit assez utile, mais si le marketing qui doit suivre le déploiement ne va pas avec, les utilisateurs n’auront pas l’information. »
Complexité des produits locaux
Un autre obstacle est la complexité excessive de certains produits locaux. Thomas Bocco critique la tendance des développeurs à créer des outils qui font « tout à la fois« . Pour lui, la simplicité est la clé. « La simplicité peut faciliter l’adoption. Il faut qu’on y arrive pour que progressivement, on amène l’utilisateur à découvrir la même application chaque jour, chaque fois. »
Facteurs extérieurs : accès et confiance
Dans certaines régions d’Afrique, l’accès à des smartphones et à une connexion Internet stable reste un défi. Ce manque d’infrastructure empêche l’adoption généralisée des applications mobiles. De plus, la confiance des utilisateurs envers les produits locaux est limitée. Tony d’Almeida, spécialiste du numérique, estime que ce problème de confiance est lié à des préjugés. « On nous a tellement inculqué que nous sommes inférieurs aux autres… que finalement, on se dit que si c’est togolais, si c’est africain, ça ne doit pas bien marcher. », déplore d’Almeida.
Conséquences économiques
Cette situation a des répercussions économiques majeures. La dépendance vis-à-vis des outils occidentaux empêche le développement d’une industrie technologique autonome en Afrique. Les développeurs locaux perdent ainsi des opportunités de revenus sur le marché africain et international, limitant leur croissance économique et celle de l’écosystème numérique.
Tony d’Almeida pense que pour changer cette situation, il faut soutenir les développeurs africains avec des financements et des structures adaptées. « Nous avons beaucoup de choses à faire… Il faut se mettre ensemble. Il faut se donner la main, il faut créer des consortiums… pour que notre écosystème soit fort, puissant, pour qu’il puisse rivaliser avec les autres pays » propose-t-il.
Changer la donne : solutions à mettre en place
Pour encourager le développement et l’adoption des applications « Made in Africa« , il est essentiel de mettre en place une approche holistique combinant : éducation, sensibilisation, soutien financier, marketing efficace et collaboration
Ces actions sont indispensables pour stimuler l’innovation technologique en Afrique et renforcer son économie numérique. Pour que les applications « Made in Africa » soient pleinement adoptées, il est important de créer un environnement favorable où le soutien, la visibilité et la confiance envers les produits locaux sont au cœur des stratégies de développement.