La désinformation et la mésinformation constituent désormais une principale menace à l’échelle mondiale, selon le dernier Rapport sur les Risques mondiaux 2024 du Forum économique mondial (FEM), Ils dépassent même les risques climatiques ou géopolitiques. Ce signal d’alarme concerne autant les gouvernements que les entreprises, notamment en Afrique, où les campagnes de manipulation ne cessent de se multiplier.
Dans une tribune publiée le 14 avril 2025, Anna Collard, vice-présidente stratégie de contenu chez KnowBe4 Afrique, alerte sur les nouvelles formes d’ingérence numérique facilitées par l’intelligence artificielle. « Nous n’approchons plus seulement d’une ère où la vérité est menacée, nous y vivons déjà », prévient-elle.
Des biais humains exploités à grande échelle
La désinformation fonctionne parce qu’elle repose sur des réflexes psychologiques bien ancrés. L’effet de Vérité Illusoire, l’effet de Simple Exposition et les Biais de Confirmation sont quelques-unes des failles psychologiques que la désinformation et les escrocs exploitent.
Les réseaux sociaux jouent un rôle central dans cette dynamique. D’après une enquête menée par KnowBe4 en Afrique, 84 % des utilisateurs s’informent via ces plateformes. Et malgré que, près de 60 % des sondés n’ont jamais été formés à la détection de la désinformation, 80 % reconnaissent que ces réseaux sociaux sont la principale source de fausses nouvelles.
Cet écart de confiance fait écho aux conclusions du Rapport Afrique sur la Cybersécurité et la Sensibilisation 2025. D’après ce sondage, 83 % des personnes interrogées ont déclaré qu’elles reconnaîtraient une menace de sécurité si elles en voyaient une. Mais 37 % étaient tombées dans le piège de fausses nouvelles ou de la désinformation, et 35 % avaient perdu de l’argent à cause d’une escroquerie.
Il ne s’agit donc pas d’un manque d’intelligence, mais d’une exploitation psychologique.
Irruption des deepfakes et montée de la désinformation d’Etat
L’émergence des deepfakes, vidéos ou sons générés par intelligence artificielle, marque un tournant. Ces contenus, souvent indétectables, permettent aujourd’hui de simuler la voix ou l’image d’une personne réelle à des fins frauduleuses. Un exemple cité par Anna Collard est celui d’un employé à Hong Kong a transféré plus de 25 millions de dollars après un faux appel vidéo de ses supérieurs hiérarchiques, tous générés par deepfake.
En Afrique, les campagnes de désinformation ont quant à elles presque quadruplé depuis 2022, selon l’Africa Center for Strategic Studies. « Près de 60 % d’entre elles sont commanditées par des États, souvent pour déstabiliser les démocraties et les économies », souligne Collard.
Pour les entreprises, la désinformation est désormais un vecteur de menace à part entière. Ces attaques de désinformation ou basées sur des récits d’entreprise peuvent également entraîner :
- De faux communiqués de presse pouvent faire chuter votre action.
- Des PDG deepfakes pouvent autoriser des virements bancaires.
- De fausses informations virales capables de ruiner des réputations avant même que le service des relations publiques ne se connecte.
Pour y faire face, Anna Collard plaide pour une « Résilience Cognitive » à développer chez les employés. Elle invite également à adopter un esprit critique avec « Confiance Zéro», à former les employés à la «Pleine Conscience Numérique» et à traiter la Désinformation comme un Vecteur de menace. « La technologie seule ne nous sauvera pas (…) La capacité à faire une pause, à réfléchir et à remettre en question intelligemment est une couche de sécurité vitale », a indiqué Anna Collard.